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Céréales ukrainiennes: «Le Danube ne suffit pas à remplacer les ports de la mer Noire»

todayseptembre 6, 2023

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Du blé stocké dans un terminal après les récoltes dans la région d'Odessa, en Ukraine, le 23 juin 2022. Lire la suite

Le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est rendu à Sotchi, en Russie, lundi 4 septembre 2023 pour tenter de ramener la Russie dans l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes. Depuis que Moscou s’en est retiré le 17 juillet, seul un bateau de céréales a pu quitter l’Ukraine en empruntant un couloir maritime établi par Kiev. Pour Gautier Le Molgat, directeur du cabinet Agritel, spécialisé dans l’analyse des marchés agricoles, le transport fluvial, voie alternative privilégiée actuellement par l’Ukraine, ne permet pas de compenser les exportations habituellement opérées via les ports maritimes en eaux profondes. L’arrivée prochaine de la récolte de maïs pourrait engorger les silos ukrainiens et les ports fluviaux si la Russie ne revient pas dans l’accord céréalier. Entretien.

RFI : Par quelles routes passent les céréales ukrainiennes depuis que la Russie s’est retirée, le 17 juillet, de l’accord conclu sous l’égide de l’ONU et de la Turquie ? 

Gautier Le Molgat : Depuis cette date, nous constatons que l’ensemble de l’activité des grands ports d’exportation, notamment celle du port d’Odessa, a été complètement stoppée. L’Ukraine a donc trouvé des voies alternatives, qu’elle a commencé à développer à partir de mars 2022. L’une de ces alternatives consiste à envoyer les céréales par le train, en direction de l’Europe. Une autre solution [qui permet d’exporter des volumes plus importants, NDLR] est de les transporter jusqu’aux ports d’Izmaïl et de Reni, situés dans le delta du Danube, dans le sud-ouest du pays, d’où partent les marchandises vers notamment la Roumanie et la Bulgarie. De là, ces céréales sont chargées sur de plus grands navires pour être exportées dans le reste du monde. En dernier recours, le transport par camions via la Pologne et les pays limitrophes de l’Ukraine est une solution beaucoup plus lente et beaucoup plus onéreuse à mettre en place. En tout, ces trois alternatives permettent aujourd’hui d’exporter approximativement 3 millions de tonnes par mois. La fin du corridor a diminué de moitié environ les capacités d’exportation de l’Ukraine.  

Quelle proportion représente chaque mode de transport ? 

Environ 2 millions de tonnes par mois passent par le Danube. Cela permet quand même de désengorger le pays et c’est donc une solution finalement appréciée par les exportateurs ukrainiens et leurs clients, qu’il s’agisse de pays européens ou africains. En revanche, moins de 500 000 tonnes de céréales quittent chaque mois l’Ukraine par camion. Enfin, le train représente un million de tonnes d’exportations par mois. Il est donc important que l’Ukraine soit toujours connectée à des voies fluviales et dans l’idéal à la mer Noire quand c’est possible. 

Peut-on parler d’embouteillages de bateaux dans le delta du Danube en ce moment ? 

Pas encore. Par contre, le rythme [de passage des navires, NDLR] va s’accroître, car la nouvelle récolte de blé est en train d’être acheminée en direction des ports. De plus, dans deux mois devrait arriver une belle récolte de maïs qui passerait aussi par les mêmes voies de navigation pour être exportée. La difficulté pour l’Ukraine est donc d’écouler ses stocks de céréales avant l’arrivée de cette nouvelle récolte. 

Car les bateaux qui passent par le Danube sont nettement plus petits que les cargos qui peuvent transiter en mer Noire…  

Le Danube est une alternative temporaire, mais ne remplace pas la capacité de chargement qu’offraient tous les ports [en eaux profondes, NDLR] de la région d’Odessa. Avant la guerre, ces derniers permettaient d’exporter des quantités trois fois plus importantes que ce qui transite aujourd’hui par le Danube.  

L’Ukraine risque-t-elle de ne pas pouvoir stocker ses céréales, faute d’un rythme d’exportation suffisamment élevé ? 

Plusieurs problèmes se posent : il y a bien sûr la problématique du stockage de la nouvelle récolte de maïs. Quel rythme d’exportation l’Ukraine va-t-elle pouvoir assurer pour alimenter le marché international ? Et par quelles routes ? Va-t-on privilégier le camion et le train pour acheminer ces marchandises en Europe, puis vers le reste du monde ? Ou plutôt les acheminer – sans passer par un corridor sécurisé – vers des ports [d’autres pays européens, NDLR] en mer Noire ? 

À quel point les bombardements sur les infrastructures portuaires et silos ukrainiens ont-ils réduit les capacités de stockage de l’Ukraine ? Le gouvernement ukrainien parle de 270 000 tonnes de céréales détruites au cours du mois qui a suivi la fin de l’accord…  

La guerre a évidemment entraîné des destructions, qui constituent un handicap supplémentaire pour l’Ukraine. Les capacités de stockage et surtout de chargement ont été en partie endommagées. Pour autant, cela n’empêche pas le pays d’exporter. Pour mettre en perspective les chiffres donnés par les autorités ukrainiennes, sur ces 270 000 tonnes [visées, selon Kiev, par des bombardements russes], on ne sait pas vraiment combien sont totalement impropres à la consommation, ni si une partie reste utilisable pour l’alimentation animale. Surtout, il faut garder en tête que l’Ukraine, toutes céréales et oléagineux confondus, exportait avant la guerre 60 millions de tonnes par an. 

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