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Geert Laporte : «L’ouverture d’un dialogue Europe-Afrique beaucoup plus ouvert maintenant est vraiment nécessaire» – Invité Afrique

todaydécembre 5, 2022

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En février, l’Union africaine et l’Union européenne s’étaient retrouvés à Bruxelles en sommet. Depuis, la guerre en Ukraine a éclaté et les rapports entre les deux continents se sont dégradés. Les Européens n’ont notamment pas digéré l’abstention de nombreux pays africains lors des votes aux Nations unies, votes destinés à sanctionner l’offensive russe. Les relations s’étaient déjà refroidies avec la crise du Covid-19. Une conférence sur l’évolution des rapports entre les deux continents avait lieu la semaine dernière à Bruxelles. Geert Laporte, directeur de l’European Think Tanks Group, un réseau de think tanks européens, qui organisait cette conférence, revient sur le sujet.

On l’a vu lors de cette conférence : après la crise du Covid, l’Europe et l’Afrique sont sur deux lignes divergentes au sujet de la guerre en Ukraine. Est-ce que ce conflit ne risque pas d’abîmer durablement la relation entre les deux continents ?

Geert Laporte : C’est vrai que les problèmes qui existent, les frustrations qui existent entre les deux continents, se sont accentués à cause de cette crise. Donc, on est à un point où par exemple les divergences qui existaient sur la crise et la gestion de la crise du Covid, tout ça maintenant, c’est devenu quelque chose qui est débattu d’une manière beaucoup plus ouverte à cause de cette crise, à cause aussi de la crise en Ukraine. Donc, on est plus ouvert maintenant à reconnaître qu’il y a des problèmes.

►À lire aussi : Invasion de l’Ukraine : pourquoi les pays africains prônent-ils le non-alignement ?

Cela veut dire que cette crise et la crise du Covid ont permis en fait de mettre un petit peu tous les problèmes sur la table alors qu’avant ça, ils étaient un peu mis sous le tapis. C’est ce qui s’est passé ?

C’était certainement mis sous le tapis… Personnellement, je trouve ça une bonne chose, parce qu’à ce moment-ci, on voit que cette ouverture dans le dialogue est vraiment nécessaire. C’est le moment où les deux continents ont des opportunités de ne plus faire semblant. Et là, je crois que maintenant, on sait aussi bien, avec l’abstention d’une grande partie des pays africains à l’Assemblée générale des Nations unies sur cette résolution qui devait condamner l’invasion russe en Ukraine, on voit clairement que ces frustrations sont mises sur la table et que les deux parties, l’Europe et l’Afrique, sont prêtes pour en parler.

Le dialogue se poursuit même entre Européens et Africains. Une réunion a eu lieu la semaine dernière, le 28 novembre, à Bruxelles entre les commissions de l’Union européenne (UE) et de l’Union africaine (UA). Vous avez eu des échos sur la teneur des échanges ?

Oui, le côté européen a voulu aborder cette question, mais pas en grande force. Moi, j’ai l’impression que le côté fonctionnaire-institution européenne, a voulu poursuivre le suivi du dialogue du sommet de février. Et cela me paraît un peu drôle qu’on commence de nouveau à parler de financement, de différents types d’investissements et tout cela, tandis que les problèmes fondamentaux ne sont pas vraiment débattus en détail. Et c’est là qu’on voit qu’il y a quand même encore un peu de travail à faire pour rapprocher les deux continents.

L’Europe a une relation particulière, une relation, on pourrait dire de proximité avec le continent africain. Comment expliquer ce ressentiment grandissant en Afrique vis-à-vis de certains pays européens ?

J’ai l’impression qu’il y a une frustration sur la façon dont l’Europe a utilisé des méthodes de paternalisme : dire aux Africains, vous devez vous porter bien, sinon vous aurez moins d’argent de notre côté.Les politiques de conditionnalité et tout cela a certainement frustré une partie des générations africaines.

Et j’ai l’impression que l’Europe a tendance à changer ses attitudes à cet égard, que l’Europe reconnaît de plus en plus qu’elle a aussi des problèmes au sein de son Union européenne. Et donc, je crois qu’une approche beaucoup plus modeste du côté européen, beaucoup plus humble, est une approche qui pourrait convaincre le côté africain que ce n’est plus une relation d’un patron vers son dépendant ou vers l’État qui l’a colonisé à l’époque.

Personnellement, je crois que, sur les grands principes, il y a un consensus. Mais du moment qu’on parle du court terme où les voies pour arriver à des changements fondamentaux, que ça prendrait beaucoup plus de temps. Le changement climatique, c’est certainement un dossier très important. L’Europe veut forcer le monde avec son « Green Deal » vers une économie verte. Je crois que l’Afrique est d’accord avec tout cela. Mais en ce moment-ci, l’Afrique veut aussi s’industrialiser. Elle veut donc avoir le droit de pouvoir polluer. Et donc, il faut débattre sur des mesures de transition et ça, ce sera donc la vraie négociation. Je crois que là les relations de pouvoir sont en train de changer fondamentalement.

►À lire aussi : L’Union africaine fait un point sur la Zlecaf et veut repenser l’industrialisation en Afrique

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