Peut-on risquer de dégarnir un front pour envoyer des troupes sur un autre secteur, là où les besoins se font le plus pressant ? La question est récurrente depuis le début de la guerre, mais elle a pris ces dernières semaines une acuité toute particulière. L’Ukraine veut à tout prix réussir sa contre-offensive dans le sud du pays. Donc, elle a besoin de masser sur ce front-là le plus de troupes possibles. Mais, parallèlement, la Russie exerce une pression croissante sur d’autres zones, en particulier dans les secteurs de Lyman et de Koupiansk, dans le nord-est de l’Ukraine. À tel point que les officiers ukrainiens en charge de ces secteurs ont réclamé la semaine dernière des renforts pour faire face à une éventuelle offensive de grande ampleur.
Le choix est cornélien pour les États-majors, qui doivent assumer des décisions dont les conséquences peuvent être incalculables. « C’est là où il y a le dilemme le plus important des deux côtés, pointe Thibault Fouillet, directeur scientifique de l’Institut d’Études de stratégie et de Défense attaché à l’Université Lyon III. Les Russes ont-ils intérêt à continuer ces actions plutôt offensives au risque de se priver de moyens pour endiguer l’avancée ukrainienne dans le sud ? Et à l’inverse, est-ce que les Ukrainiens peuvent courir le risque de laisser ces fronts sans renforts, et donc de laisser avancer les Russes pour essayer de maximiser leur poussée dans le sud ? C’est celui qui va le mieux calculer, et surtout le mieux avancer et le plus rapidement, qui va forcer l’autre à réagir. »
Poker menteur
À l’automne 2022, c’est en « fixant » les troupes russes sur la région de Kherson, dans le sud, que les Ukrainiens ont réussi à percer dans le nord du pays, et à regagner de vastes territoires en quelques semaines. Un an plus tard, ce sont les Russes qui « jouent » avec les nerfs de l’État-major ukrainien en massant plusieurs dizaines de milliers d’hommes dans les secteurs de Koupiansk et de Lyman.
L’objectif de la Russie est de forcer les Ukrainiens à retirer des troupes utilisées dans le sud, pour renforcer d’autres secteurs du front. Dans ce « poker menteur » stratégique, plusieurs éléments sont cruciaux : les renseignements et la capacité à brouiller les pistes, mais aussi la faculté à déployer rapidement des troupes et leur matériel. « C’est l’un des objectifs de la contre-offensive ukrainienne dans le sud, décrypte Thibault Fouillet. Il ne s’agit pas uniquement d’avancer et de percer jusqu’à la mer, mais d’empêcher les forces russes de se déplacer dans le nord en cas de besoin, ou de recevoir des renforts. »
Pour conserver la capacité de déployer des troupes d’un secteur à l’autre, il est également crucial de contrôler les infrastructures, les axes routiers et ferroviaires. « Tout va dépendre de la faculté à contrôler les infrastructures clés, conclut Thibault Fouillet. Si vous avez les nœuds ferroviaires, si vous avez les routes, vous pouvez amasser des troupes en quelques heures, en quelques jours. Avec les moyens modernes, ce n’est pas compliqué. Le plus important est de contrôler les points logistiques au moment où vous en avez besoin, et c’est l’un des enjeux de la contre-offensive ukrainienne. »
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