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Russie: l’opposant Alexeï Navalny condamné à 19 ans de prison supplémentaires

todayaoût 5, 2023 1

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Alexeï Navalny à son arrivée pour écouter le verdict de son procès, à la colonie pénitentiaire IK-6, ce vendredi 4 août 2023. Lire la suite

Voilà donc Alexeï Navalny reconnu coupable d’avoir créé et dirigé une organisation « extrémiste », à savoir sa fondation contre la corruption.

Les journalistes n’ont pas eu accès à la salle d’audience. L’affaire a été expédiée en quelques minutes seulement.

C’est la porte-parole de l’opposant russe, Kira Iarmych, qui a annoncé le verdict la première. « Alexeï Navalny a écopé de 19 ans de régime spécial », a-t-elle déclaré sur le réseau social X (anciennement Twitter).

Par régime spécial, il faut comprendre que l’intéressé sera désormais détenu dans l’un des établissements les plus rudes du système carcéral russe (voir encadré).

Alexeï Navalny a réagi, sur son canal Telegram et sur Facebook, appelant les Russes à continuer de « résister », malgré ce qu’il qualifie de « condamnation à perpétuité ».

« Je sais que, comme tous les prisonniers politiques, je purge une peine à perpétuité. Que l’on parle de ma vie, ou bien de celle de ce régime », écrit cinglant Alexeï Navalny, avec le même ton combatif que la veille du verdict.

19 ans, un nombre sans importance pour moi, mais qui en a une pour vous. Ils veulent VOUS effrayer, mais ne perdez pas votre volonté de résister.

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Russie: les conditions d'incarcération qui attendent Alexeï Navalny

Murielle Paradon

Réactions immédiates en Occident

L’Union européenne a très vite réagi aussi, par l’intermédiaire de Charles Michel, président du Conseil européen. Ce dernier juge « inacceptable » la condamnation de l’opposant Navalny, à l’issue d’un procès qu’il qualifie de « truqué ».

« Cette condamnation arbitraire est une réponse à son courage de critiquer le régime du Kremlin », estime M. Michel. « L’UE condamne dans les termes les plus fermes (…) son arrestation, son procès et sa condamnation aux motivations politiques. »

Réaction également du côté de Berlin, où la ministre fédérale allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, dénonce une « injustice flagrante ».

« Poutine ne craint rien de plus que ceux qui s’opposent à la guerre, à la corruption et défendent la démocratie, même depuis une cellule de prison. Il ne fera pas taire les voix critiques », analyse-t-elle.

« Nous appelons une nouvelle fois les autorités russes à libérer Alexeï Navalny immédiatement et sans conditions, ainsi que tous les prisonniers politiques », abonde une porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

La France condamne cette nouvelle peine « avec la plus grande vigueur », y voyant « un acharnement judiciaire ».

Idem aux États-Unis, où l’on parle de la « conclusion injuste d’un procès injuste », selon les termes du communiqué du département d’État.

Washington « condamne la nouvelle sentence judiciaire » infligée à l’opposant russe, basée « sur des accusations infondées de soi-disant « extrémisme » », indique dans ce texte le porte-parole Matthew Miller.

Enfin, les Nations unies demandent la « libération immédiate » du lauréat 2021 prix Sakharov du Parlement européen.

Cette condamnation, estime le haut commissaire aux droits de l’homme, Volker Türk, dans un communiqué, « suscite de nouvelles inquiétudes concernant le harcèlement judiciaire et l’instrumentalisation du système judiciaire à des fins politiques en Russie ».

Une nouvelle ère judiciaire en Russie

Alexeï Navalny était jugé dans une salle d’audience de fortune montée au sein de la colonie pénitentiaire IK-6, à Melekhovo, à plus de 200 km à l’est de Moscou. Il purgeait jusqu’ici ses peines précédentes (plus de onze ans au total).

Il a donc cette fois été jugé formellement autour de six chefs d’inculpation distincts, dont incitation et financement d’activités extrémistes et création d’une organisation extrémiste.

Lui et ses alliés dénoncent comme une manœuvre pour le maintenir en prison et l’écarter plus longtemps de la politique. Le parquet national avait demandé au tribunal de prolonger son emprisonnement de 20 ans.

Alexeï Navalny saluant Daniel Kholodny, également accusé dans cette affaire d'« extrémisme », à son arrivée pour le verdict, ce vendredi 4 août 2023.

Alexeï Navalny n’a pas bronché à l’annonce de la sentence. Le plus célèbre des opposants à Vladimir Poutine ne se faisait aucune illusion quant au type de peine qui l’attendait. Une peine de type « stalinien », comme il l’avait prédit la veille sur les réseaux sociaux.

Dans cette adresse à ses soutiens ainsi qu’au peuple russe, il appelait déjà à ne pas se laisser intimider par son cas personnel. « Ma condamnation n’est pas importante », disait-il, exhortant ses lecteurs à continuer de s’intéresser à la politique.

On vous force à abandonner votre Russie sans combattre à la bande de traîtres, de voleurs et de crapules qui ont pris le pouvoir. (Vladimir) Poutine ne doit pas atteindre son objectif.

Avec cette condamnation, la Russie entre dans une ère de peines massues. Mercredi, l’ex-correspondant défense du journal Kommersant, Ivan Safronov, a été condamné à 22 ans de prison pour haute trahison, alors qu’en avril dernier, l’opposant Vladimir Kara-Mourza avait écopé de pas moins de 25 années de détention.

 

Établissement pénitentiaire de haute sécurité

Il n’existe que huit colonies pénitentiaires de ce type en Russie. Y sont enfermés les criminels les plus violents : tueurs en série, cannibales, terroristes, condamnés à perpétuité. Les prisonniers y sont placés sous surveillance vidéo 24 heures sur 24.

Dans les cellules, la lumière reste allumée toute la nuit. Le nombre de visites, limité à quatre par an dans la colonie à régime sévère où Alexeï Navalny est aujourd’hui détenu, le sera encore plus, tout comme la possibilité de recevoir des lettres, des colis ou de l’argent à dépenser dans l’épicerie de la prison pour améliorer son ordinaire.

Les détenus de ces colonies à régime spécial n’ont pas le droit de communiquer entre eux.

L’opposant, envoyé régulièrement en cellule disciplinaire pour des infractions mineures au règlement, réussit encore à envoyer de temps en temps des messages empreints d’humour à ses lecteurs via ses avocats. Ils risquent de se faire de plus en plus rares.

Des observateurs, comme Olga Romanova, fondatrice d’une ONG de défense des droits des prisonniers, citée par la télévision en ligne Current Time, redoutent que M. Navalny ne se retrouve à la merci de dangereux criminels qui n’ont plus rien à perdre.

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